Ellipses dans un square

Un homme et une femme tendent l’un vers l’autre. Ils se sont rencontrés dans un square, parlent, parlent et parlent et ne savent plus se quitter. L’amour absolu est entre chaque parole, chaque détour, chaque digression, mais il est tu: on en attend tellement qu’on préfère l’attendre. Les protagonistes cloîtrés dans leurs vies banales, aussi lâches l’un que l’autre, laissent la peur et la routine manger leur désir. Le texte de Duras trace les frontières (la silhouette) de sa propre histoire: au spectateur d’entendre entre les mots. La violence des pulsions le prend peu à peu, lame de fond sous la surface des ellipses.

Mis à part une symbolique où les objets expliquent trop le texte (la valise et le sac à main font l’amour qui n’est pas dit), Daniel Carel a choisi de rester sobre. Sa première mise en scène prend appui sur l’élément central du décor: un banc à bascule en forme de D renversé (Duras sur le ventre). Tout tangue autour de lui: il est à la fois lit, île et mer, il fait tourner la lumière sur la scène, comme un phare qui nous mettrait en garde contre des récifs qu’on ne peut qu’imaginer. Rochers des mots qu’on ne trouve pas le courage de dire.

Pierre Fankhauser

«Le Square» de Marguerite Duras. Mise en scène: Daniel Carel. Lausanne, Théâtre 2.21, jusqu’au 28 novembre. Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 18 h 30. Rens. (021) 311 65 14.