Le souvenir volé au fjord

Un amoureux des étendues gagne la liberté des fjords, comme chaque jour, sur sa barque minuscule. Il part s’imprégner de la puissance des éléments à travers la peau de sa coque. Celui qui se dit marin ne reviendra pas, on le sait depuis le début: cette histoire ne tend pas vers son dénouement. Avant d’être celle du souvenir, elle est d’abord celle du rapport au souvenir. Longtemps après le drame, sa femme pose en effet sur l’absent un regard calme, comme lesté, un regard profond qui a su traverser la douleur sans s’y agripper. Jacques Lassalle est parvenu, dans l’ensemble, à maintenir la tension subtile de ce texte éthéré. Il a su mettre au service de ce pari ambitieux sa finesse dans la distribution des gestes ainsi que l’amplitude posée de son rapport au tempo des répliques. Les couches de temps se caressent, se frôlent, à l’image de ce petit coin de soleil qui accompagne la narratrice tout au long de son parcours à travers l’orage de sa mémoire. Pierre Fankhauser

«Un jour en été». De Jon Fosse. Mise en scène: Jacques Lassalle. Lausanne, Théâtre de Vidy.

Jusqu’au 18 février. Ma-je et sa 19 h, ve 20 h 30, di 17 h 30. Rens. (021) 619 45 45.