La Librairie

Il existe plusieurs types de librairie. Certaines sont fonctionnelles: des livres au garde-à-vous sous des panneaux au design épuré attendent sagement la douce main du lecteur et – espèrent-ils secrètement – son regard soyeux et tendre annonciateur d’inoubliables aventures en tête à tête.

D’autres commerces se spécialisent dans les ouvrages de seconde main: ça sent la poussière et le vieux papier, les piles y sont en général instables et les classements fréquemment aléatoires. Et ce roman qu’on cherche depuis si longtemps, ce roman épuisé partout, si si, je vous assure, pas la peine de demander, ce roman introuvable finalement dégotté par un vrai coup de bol, eh bien, on peut en négocier âprement le prix en fonction de la quantité de réparations à effectuer pour qu’il ait des chances de survivre à notre nième lecture.

Et puis il y a la Librairie.

À peine remis du sourire de Sylviane, l’âme et cheville ouvrière des lieux, le regard se perd dans le vert méditerranéen de longues armoires aux portes grandes ouvertes sur des livres qui attendent nos caresses. En vagabondant de titre en titre, on apprend de la bouche même de la propriétaire que, tout comme le vieux comptoir au bois imprégné de ses vies déjà nombreuses, ces portes ont été achetées à un antiquaire trop heureux de se débarrasser de ces pièces monumentales qui appartenaient vraisemblablement à une devanture de cuisine.

Alors, pris par la curiosité, on ne peut s’empêcher de fouler les riches tapis alignés jusqu’à la pièce du fond qui a tout de la bibliothèque d’écrivain avec ses rayons de bois clair, ses fauteuils accueillants, ses malles remplies de livres et ses tiroirs entrouverts qui laissent échapper des volumes prêts à tomber dans notre main avide.

Enfin, quand on apprend que certaines parmi les tables rondes du Livre sur les quais vont prendre place dans ce lieu qui correspond assez exactement à l’image idéale qui nous vient à l’esprit quand on évoque l’idée de librairie, on se met à se réjouir de pouvoir écouter des auteurs entre ces livres qui pourraient très bien leur appartenir, dans cette pièce qui pourrait très bien être leur salon, ce salon qui est aussi devenu, dès qu’on y a posé le pied, pour un moment le nôtre.