Au coeur du texte

Ce nouveau cycle d’ateliers – Soi-même comme un autre, Les débuts, les fins et tout ce qui fait vrai, Tenir en haleine – est pensé comme une plongée au cœur du texte, comme un laboratoire où va pouvoir se révéler, d’exercice d’écriture en exercice d’écriture, à la fois son originalité, sa valeur et sa vérité. Que vous ayez déjà un projet en route ou que vous soyez en train de vous y mettre, ce cycle vous permettra de prendre en main les outils qui vous aideront à écrire au plus près de ce qui vous habite tout en embarquant le lecteur dans le voyage que vous lui proposez.

Chacun des weekends de ce cycle s’appuiera sur des moments d’écriture en commun suivis de moments de partage. Nous mettrons en lumière ensemble, en fonction de ce que nous écrirons – comme dans les autres formules d’À vrai dire, je fais aussi les exercices que je propose –, les détails qui font la différence entre un texte convenu et un texte émouvant parce que vrai, entre un texte attendu et un texte surprenant que le lecteur ne pourra plus lâcher.

Chaque atelier peut être suivi indépendamment en fonction de vos besoins et des spécificités de votre projet d’écriture. Les rencontres se déroulent à Lausanne (voir les infos pratiques plus bas) mais peuvent aussi être suivies en visioconférence si nécessaire, le nombre de participants est limité à huit.

Soi-même comme un autre

Je ne peux écrire que depuis un seul endroit : celui que je suis aujourd’hui. Je ne peux pas écrire depuis celui que j’étais hier, depuis celui que je serai demain ou celui que j’aimerais être aujourd’hui. C’est mon vécu que je vais mettre sur la page, mais ce vécu contient aussi tous les livres que j’ai lus, tous les films, les pièces, les spectacles que j’ai vus et, surtout, ce vécu, je peux en transformer la matière à ma guise, comme avec les pétales de marguerite : un peu, beaucoup, passionnément, pas du tout.

Durant ce weekend, nous allons partir de récits d’éléments vécus pour les transformer petit à petit, en changer les lieux, les époques, le style, le regard au travers duquel le lecteur reçoit ce moment, insérer ici ou là des éléments inventés plus vrais que nature. Nous allons nous demander ce qui fait qu’un texte nous semble ancré ou flottant, enraciné ou construit, et nous chercherons les moyens de mettre en lumière tout ce qui donne une impression de vérité pour la conserver de transformation en transformation.

Certains souhaiteront transformer peu, nous travaillerons alors à lustrer ces autobiographies pour leur donner le plus d’éclat possible, quitte à en déplacer certains éléments pour leur offrir plus de puissance narrative. D’autres souhaiteront transformer beaucoup, nous verrons alors comment garder l’ancrage et l’énergie du vécu dans ce nouvel environnement, qu’il s’agisse d’une autre époque ou d’un autre continent, voire d’une autre planète. Quel que soit le genre de votre projet, vous repartirez avec des pistes pour rendre votre récit encore plus authentique, encore plus proche de ce que vous imaginez.

J’ai emprunté le titre de cet atelier au philosophe Paul Ricœur, qui a passé sa vie à comprendre comment mettre le monde en récit nous permet à la fois de l’expliquer et de mieux le comprendre pour nous y retrouver. En suivant son exemple, nous nous découvrirons en quoi trouver les mots les plus justes pour écrire ce qui nous habite nous permet de mieux en saisir les contours et de mieux l’intégrer, comment écrire notre vie permet de vivre mieux en donnant forme à notre monde à partir de ce qui est plutôt qu’à partir de ce qu’on voudrait qu’il soit, comment écrire nous permet d’habiter notre vie en entier.

Prochain atelier Soi-même comme un autre

Samedi 27 et dimanche 28 septembre 2025

Les débuts, les fins et tout ce qui fait vrai

Les entrées en matière et les conclusions sont souvent les passages les plus redoutés, ceux sur lesquels on bute longtemps ou qu’on reporte sans cesse. Pourtant, ils donnent au récit sa force, son unité, ce qui va faire qu’il reste en mémoire. Un bon début et une bonne fin n’arrivent pas par hasard : il existe des manières de mettre le plus de chances de son côté pour qu’ils fonctionnent. Et, entre le début et la fin, il faut garder l’attention du lecteur : les détails et les effets de réel seront nos épices pour le tenir dans notre histoire.

Commencer un texte, c’est ouvrir une porte : il faut inviter le lecteur à entrer, éveiller sa curiosité, lui donner envie de poursuivre. Ce qui rend difficile l’écriture des scènes d’ouverture, c’est l’équilibre entre action et présentation : trop d’action, le lecteur ne va pas comprendre ce qui arrive, trop de présentation, le texte va perdre son rythme et le lecteur va laisser tomber après quelques pages. Durant ce weekend, nous allons chercher le meilleur équilibre en fonction de différentes entrées dans le texte, entre un début in medias res, directement dans ce qui arrive, et une entrée en matière plus douce et progressive, mais sous-tendue par une action.

Terminer un texte, c’est refermer cette porte avec justesse : il faut trouver le geste qui laisse une trace, une émotion, une résonance. La plupart du temps, la fin d’un récit devrait être à la fois organique – c’est-à-dire, liée à ce qui précède – et surprenante, arriver d’une manière naturelle qu’on n’a pas vue venir. Pour préparer une fin de ce genre, nous verrons comment semer, tout au long du récit, de petits cailloux qui sembleront, sur le moment, insignifiants pour le lecteur, mais qui prendront tout leur sens quand viendra le dénouement du texte. Une bonne fin a été préparée pendant toute l’histoire.

Entre le début et la fin, il faut conserver l’attention de celle ou de celui qui lit. Un des meilleurs outils pour le faire, c’est la précision : des détails, des détails, des détails, mais pas n’importe lesquels. Durant ce weekend, vous apprendrez à les choisir de manière à ce qu’ils accompagnent le lecteur dans le monde du texte sans lui donner l’impression d’une construction. Dans cette perspective, l’une des meilleures manières de faire vrai, c’est de disséminer ici ou là des micro-événements qui n’ont aucune utilité pour l’histoire – une moto qui passe, un barman qui moud le café, etc. –, micro-événements qui, justement parce qu’ils semblent inutiles, donneront au lecteur l’impression que « ça s’est vraiment passé comme ça » : c’est ce qu’on appelle les effets de réel.

Cet atelier nous donnera aussi l’occasion de réfléchir à la cohérence d’un texte : comment un début peut contenir en germe la fin ? Comment une conclusion peut transformer rétroactivement tout ce qui précède ? Ce weekend vous proposera des pistes non seulement pour soigner vos entrées et vos sorties, mais aussi pour nourrir le cœur de votre récit en lui donnant le grain et la précision nécessaires à entretenir chez votre lecteur l’élan du début à la fin.

Prochain atelier Les débuts, les fins et tout ce qui fait vrai

Samedi 1er et dimanche 2 novembre 2025

Tenir en haleine

L’explication que donne Hitchcock au sujet de la scène de la bombe est connue, je vous la rappelle ici. On peut décrire cette scène de deux manières : soit on voit la personne poser la bombe sous la table de réunion, mettre en place le compte à rebours et s’éclipser, on va donc se ronger les ongles en se demandant si les pauvres participants à l’atelier d’écriture vont partir en morceaux ou non, soit on ne voit pas cette installation de la bombe et l’explosion nous surprend et nous stupéfie. Suspense d’un côté, surprise de l’autre : tout dépend du moment où je donne l’info, tout dépend du quand.

Le suspense est basé sur l’ironie dramatique, autrement dit sur un art du décalage entre l’information à disposition du lecteur et celle à disposition des personnages : soit le lecteur en sait plus que le personnage et prie pour que ce dernier n’entre pas dans la pièce où l’attend le tueur en série, soit un personnage chuchote à l’oreille d’un autre et le lecteur sent que quelque chose est en train de se tramer sans bien savoir quoi, jusqu’au moment où la machination lui sautera à la figure, au propre ou au figuré.

Pour dire les choses un peu crûment, quand le lecteur ouvre un nouveau livre, il se pose une seule question : pourquoi est-ce que je prends du temps à lire ce livre et pas un autre ? S’il se pose toujours cette question à la page 50, c’est sûr qu’il va laisser tomber l’affaire et qu’il ne va jamais arriver jusqu’au bout. Pour éviter que ça arrive, nous verrons comment remplacer au plus vite cette question par d’autres qui sont en lien avec l’histoire racontée : mais qu’est-ce qui pourrait se passer si ? Qu’est-ce qui va arriver au personnage si ? Qui a fait ça ? Pourquoi ? Comment ?

Mais pour que le lecteur commence à se faire du souci pour le personnage, il faut qu’il y ait identification et, pour qu’il y ait identification, il faut qu’il y ait personnalisation. Nous allons donc aussi travailler à construire des personnages crédibles auxquels on puisse s’attacher, des personnages pour lesquels on pourra avoir peur. Nous travaillerons aussi le geste qui permet de déposer des indices capitaux tout en invitant le lecteur à regarder ailleurs en lui faisant croire que c’est sans importance.

Que vous soyez en train d’écrire un polar ou que vous souhaitiez simplement donner à la fois de l’élan et du piment à votre récit, ce weekend vous permettra de mettre en lumière comment le rythme, les non-dits et les révélations graduelles peuvent transformer une histoire et des personnages ordinaires en récit qu’on ne peut plus lâcher, en protagonistes pour le succès – voire la survie… – desquels on va se mettre à prier !

Prochain atelier Tenir en haleine

Samedi 22 et dimanche 23 novembre 2025

Infos pratiques

Les trois weekends du cycle Au cœur du texte se déroulent dans l’espace E comme écriture d’Emmanuelle Ryser, Pré-du-Marché 19 à Lausanne (entrée par la rue Saint-Roch), mais peuvent également être suivies en visioconférence. Les rencontres ont lieu de 10h à 17h avec une heure de pause à midi et le nombre de participants est limité à huit. Chaque weekend d’atelier coûte 350.– francs. Il est possible de s’inscrire aux trois weekends ensemble pour 900.– francs.