En tête à tête avec Pierre Fankhauser dans le Journal de Morges!
Merci de tout coeur à Dontaella Romeo pour ce formidable portrait dans le Journal de Morges!
Pour lire plus agréablement, vous trouverez ici le pdf de l’article.
Merci de tout coeur à Dontaella Romeo pour ce formidable portrait dans le Journal de Morges!
Pour lire plus agréablement, vous trouverez ici le pdf de l’article.
Merci à François Xavier pour son article sur Sirius dans le Salon littéraire!
L’on ne peut que faire un parallèle avec la tragédie de l’ordre du Temple solaire (5 octobre 1994) dès les premières pages lues : une chorégraphie, un rapport d’enquête, un entretien avec une danseuse dont le corps commence à refuser certains mouvements. Sinusoïde crue(lle) dans les rets du questionnement incessant, ce roman gothique – mais contemporain – plonge son lecteur dans des affres de solitude et de noirceur. Scalpel en main, Pierre Fankhauser découpe ce qu’il note de l’autre, perce le secret des âmes et devine ce que l’on veut lui cacher. La spirale semble infernale car sans fin, sans suite, vouée à s’abîmer toujours plus bas, entraînant avec elle tout ce à quoi vous pourriez vous raccrocher…
C’est théâtral, perturbant comme un film de David Lynch, inquiétant, cela demande un minimum d’attention, un petit effort de concentration, quelques notions d’actualité et d’histoire locale, mais c’est aussi déstabilisant qu’un grand verre de vodka bu d’un trait. Une sorte de gifle intérieure qui vous ramène sur les rives d’un lac bien trop grand, bien trop noir, bien trop profond pour que vous osiez vous y aventurer seul. Alors vous reprenez une bouffée d’air et recouvrez votre lecture, lentement, pesant chaque mot car, même s’il donne l’impression d’avoir déjà été lu, repris, répété, la phrase, la phase, l’endroit n’est pas exactement le même, reflet d’une hypothèse, miroir d’une désillusion, bris, parcelles, esquilles… toutes ces vérités écartelées pourraient-elle, enfin, faire un tout, ici réunis dans un écrin de papier…
Plus que l’histoire, c’est bien la manière de narrer les faits, de tricoter le récit, qui donne à ce premier roman sa singularité, donc son intérêt, sa raison d’être… Une voix nouvelle dans la littérature suisse. À suivre.
François Xavier
Pierre Fankhauser, BSN Press, coll.”Fictio”, Lausanne, mai 2014, 136 p. – 16.75 €
Merci à Pierre Etienne Joye et à Karine Vasarino pour leur interview au sujet de Sirius dans le 12.30 de la RTS!
Merci à David Campisi pour son article au sujet de Sirius dans La Cause littéraire!
Quelques scènes d’ombre et de lumière où sévit l’artiste, nue, de muscles, d’os et de tendons ; des articles de presse accusateurs, scrutateurs ; une enquête de police et ses rapports ; une contre-enquête, ensuite, plus précise ; des lettres d’amour ; un massacre de feu et de sang dans une sombre forêt ; des courriels ; quelques cours adressés à des étudiants qui n’ont pas de visage.
Bienvenue sur Sirius.
C’est un patchwork éparpillé, d’abord, quelques pièces qu’il nous est impossible à rassembler ; quelques pages plus tard, un ordre commence à apparaître, puis une trame. L’on devine alors la direction que prend le récit : l’histoire très sombre d’un massacre perpétré au cœur de la montagne, dans une forêt reculée. Seize corps ont été découverts, calcinés par les flammes et déchiquetés par les balles d’un pistolet.
Les narrateurs sont multiples et sans voix. Les points de vue sont nombreux et le lecteur se laisse bercer par ces chapitres courts, percutants, au style littéraire absolument unique qui octroie au roman toute sa puissance ; une réelle cadence rythmée par cette ponctuation surprenante qui laisse le texte respirer, s’étouffer parfois. Une petite ritournelle ; Sirius, c’est un oiseau qui chante.
Seize corps retrouvés et une enquête policière résumée par ses rapports ; Sirius emprunte les codes du polar mais ne s’y résigne pas. On ressent l’investigation qui avance, patine, s’arrête ; la contre-enquête qui recherche plus loin. Les éléments se mettent en place. Le lecteur se laisse avoir ; on veut connaître la suite. Les articles de presse reprennent là où s’arrête le rapport de police. Le puzzle se construit au fil des pages. Quelques courriels aux destinataires anonymes viennent compléter nos ignorances.
Et puis la danse. Le théâtre contemporain ; l’art moderne, aussi, critiqués dans leurs excès. Les spectateurs qui prennent place dans le noir regardent l’artiste nue se mouvoir sur scène, ou pire ; ne pas s’y mouvoir du tout. Se laisser baigner de vapeur bleu froid. On ne sait pas qui pose les questions ; elles sont toutefois pertinentes. Pourquoi une telle sexualisation du corps dans les œuvres d’art moderne ? Quel chemin prend la danseuse qui ne danse plus vraiment ? Quel intérêt de mimer l’intime ?
Tous ces éléments n’ont aucun rapport. En réalité, ils se conjuguent au temps de Sirius. La mosaïque se dessine sans l’aide du lecteur ; bientôt l’image apparaît. Quelques coupables. Des victimes, aussi. Des méthodes ; des corps qui se tordent sous la lumière verticale.
136 pages d’une intensité remarquable. Un véritable souffle inspiré par une ponctuation qui tient de l’audace, peut-être de l’impertinence, voire de l’erreur grammaticale ; mais aucune concession n’est faite au style qui jamais ne se prive de sa propre puissance. Un refrain singulier : le Nouveau Roman est ici sublimé. Un grand patchwork qui ne tient pas du hasard, et des descriptions chirurgicales de ces corps morts qui se languissent dans leurs cendres ou de ces corps vivants qui s’escaladent, se montent dessus, se mélangent et se touchent sur scène, devant des spectateurs aux yeux ébahis ; face au spectacle ils sont comme les lecteurs de Sirius, frappés par l’audace littéraire de Pierre Fankhauser.
David Campisi
Merci à Julien Sansonnens pour sa critique de Sirius sur son blog!
Octobre 1994 : il y a tout juste vingt ans, la Suisse découvrait avec stupeur l’Ordre du Temple solaire. Dans Sirius, Pierre Fankhauser plonge le lecteur dans l’ambiance particulière d’une secte, appelée « L’Association », pendant littéraire de l’OTS.
Sirius n’est pas un témoignage, ni une contre-enquête, ni à proprement parler un roman : dans une logique du patchwork, Pierre Fankhauser a brodé avec soin un texte hybride offrant une multitude de points de vue sur la réalité du suicide collectif (ou du meurtre, les différentes enquêtes et contre-enquêtes aboutissant à des conclusions divergentes) des adeptes. Dans un style pouvant rappeler le Nouveau roman, le livre est construit sans réelle intrigue: il faudrait plutôt parler d’un fil directeur, une spirale qui entraine les fragments de récits et les fait converger jusqu’au dénouement, ce moment où les pièces du puzzle se rejoignent finalement.
Au fil des pages, on suit une jeune danseuse contemporaine, tandis que l’on découvre l’Association par les lettres de plus en plus énigmatiques — et de plus en plus drôle aussi, par les clichés utilisés, par le style pompeux et décalé — envoyés aux membres. Plus loin, on lit des rapports de contre-enquête détaillant dans un style froid et scientifique l’état de carbonisation des corps, ou la nature des carburants utilisés pour faire disparaître ceux-ci. La faculté de l’auteur à s’approprier le style « police scientifique » (on sent ici le travail important de préparation et de documentation, antérieur à l’écriture) est à souligner, et contribue à la réussite de l’ensemble.
Exercice d’artiste flirtant parfois avec une forme d’humour noir, le livre de Pierre Fankhauser témoigne de l’intérêt de l’auteur pour le corps : le corps en mouvement, le corps sublimé par la danse, mais aussi le corps détruit, réduit en poussière en une esthétique trash. On notera aussi la manière efficace et discrète par laquelle l’écrivain expose les mécanismes et ressorts psychologiques à l’œuvre dans la logique sectaire : ici encore, le sujet est maîtrisé.
Aux représentants des médias. Rien, mais alors absolument rien n’est plus opposé au temps et au ton des médias qu’une démarche spirituelle. Alors que le temps des médias est celui de l’actualité scandée par le spectaculaire et le sensationnel, roue risible des célébrités périmées dans l’instant, la spiritualité s’éveille dans le secret d’une expérience indicible, croît à son rythme dans la profondeur d’un coeur.
L’écriture est vive et très contemporaine, elle va à l’essentiel : peu de description, une ponctuation non-orthodoxe, des jeux de répétition. Avec ce premier roman, Pierre Fankhauser s’affirme comme une plume originale et assurée. On perçoit déjà une jolie expérience, de la bouteille, ce que l’auteur lui-même confirme : il a mis plusieurs années à écrire Sirius.
Sirius
Pierre Fankhauser
BSN Press, 2014, 129pp.
L’auteur :
De retour en Suisse après sept ans passés à écrire et traduire des romans à Buenos Aires, Pierre Fankhauser est l’auteur de plusieurs nouvelles publiées dans des revues et des recueils collectifs. Sirius est son premier roman.