Coline Métrailler revient sur l’Atelier de la Distylerie
Un grand merci à Coline Métrailler pour son retour détaillé sur l’atelier de La Distylerie! Vous pouvez retrouver l’article original ici!
[Aparté] Stage d’écriture : ma semaine à la Distylerie
Je t’en ai parlé avant de partir, début juillet j’étais en vacances en Bourgogne, à Fleurville, pour un stage d’écriture à la Distylerie. On me l’a demandé plusieurs fois, voici donc mon retour sur cette expérience inédite, pas très reposante mais riche en rencontres et en enseignements.
La Distylerie
Tout d’abord : la Distylerie, c’est quoi, c’est où ? Eh bien c’est un lieu un peu fou, au bord de la Saône, composé de plusieurs bâtiments restaurés et détournés en un joyeux bric-à-brac qui peut accueillir des groupes assez conséquents et qui organise tout un tas de stages artistiques. Le lieu lui-même est favorable à la création, puisqu’il regorge de bibelots, de surprises, d’œuvres des années précédentes, de bibliothèques thématiques, de nature, et d’objets insolites.
Durant tout l’été, on peut s’inscrire à des stages de peinture, de films d’animation, de sculpture, de couture, etc. J’ai choisi l’écriture, et c’est donc armée de mon ordinateur et d’une bonne dose de papier que je me suis rendue à Fleurville. La Distylerie organise les stages par trois, et cette année l’écriture avait lieu en même temps que la couture et les films d’animation : c’était vraiment agréable de pouvoir jeter un œil aux travaux des collègues, apercevoir d’autres ateliers et échanger pendant les repas pour sortir un peu de sa bulle littéraire !
L’écrivain
Auteur, traducteur et très actif dans le milieu littéraire, c’est Pierre Fankhauser qui a animé pour la première fois cet atelier d’écriture. Après un séjour de sept ans à Buenos Aires, il a publié son premier livre, Sirius, dont je te parle juste en-dessous.
Nous étions huit écrivains en herbe, d’horizons différents, certains avec un projet déjà bien avancé, d’autres sans idée particulière, une chouette petite bande qu’il a fallu coordonner et encadrer en tenant compte des envies de chacun, et Pierre s’en est chargé avec brio.
Sirius
J’ai beaucoup aimé Pierre en tant qu’animateur d’atelier, il était donc logique que j’aie envie de découvrir sa plume. Je savais que le sujet serait dur, j’ai donc pris le temps de le lire, quelques pages à la fois pour prendre progressivement la température et m’imprégner de cette ambiance.
Sur la base de la secte de l’Ordre du Temple Solaire, qui a marqué la Suisse il y a une vingtaine d’années après un suicide collectif de plus de 50 membres, Sirius présente une sorte de fiction chorale, alternant témoignages d’une danseuse contemporaine, lettres d’une secte nommée l’Association et rapports d’enquête suite à la découverte des corps.
Le récit n’est donc pas linéaire, il se construit progressivement à travers les pièces de puzzle qu’on rassemble au fil des pages. L’écriture est très impressionnante, puisqu’elle jongle entre les différents tons sans aucune difficulté apparente. Les rapports d’enquête sont spécialement difficiles à lire de par leur description très analytique du massacre, j’avoue que ça m’a pas mal remuée. Mais surtout, j’ai adoré recoller les morceaux, comprendre les tenants et les aboutissants et observer cette tragédie à travers plusieurs regards croisés, plusieurs angles de vue radicalement opposés. On sent que ce texte a été mûri, retravaillé, décanté et concentré, et je ne peux qu’admirer le travail fourni et le résultat final.
Le stage
Le stage s’est articulé autour de deux approches de l’écriture d’un texte : l’une très intuitive, en tentant de faire vivre des personnages, et l’autre plus organisée, en déterminant à l’avance les enjeux, les embûches et la ligne directrice du récit.
Dans la première partie de la semaine, nous nous sommes donc concentrés sur les personnages : comment leur donner de la profondeur, apprendre à les connaître pour les rendre crédibles et intéressants.
A titre personnel, ces premiers jours m’ont totalement captivée : pour la première fois, j’ai compris ces écrivains qui disent aux journalistes que leurs personnages vivent en eux et racontent leur histoire de manière autonome. J’y voyais un genre de délire artistique à moitié mensonger, et j’ai pourtant pu toucher à cette sensation dès la première moitié du stage. A travers divers exercices d’une vingtaine de minutes (interviewer son personnage selon des questions déjà écrites, imaginer sa démarche et ses tics de langage, le ton de sa voix et sa façon de se comporter), j’ai assisté à la naissance d’un de mes personnages, je l’ai entendu me raconter ses souvenirs et me confier ses émotions, et j’ai commencé à comprendre toute la complexité qu’on peut mettre dans un être imaginaire pour qu’il prenne de l’ampleur et ne se résume pas à une ou deux informations utiles pour le scénario.
A partir de là, j’ai senti l’envie d’écrire se réveiller en moi, pas simplement celle d’organiser des mots comme je le fais pour ce blog, mais bien celle de créer et de produire un texte qui ne vienne que de moi. Je n’ai pas encore totalement trouvé comment concilier ça avec mon travail et mon emploi du temps bien chargé, mais je garde précieusement cette nouvelle information et je cherche déjà des moyens de lui faire une place.
Pour terminer la semaine, nous sommes partis dans une toute autre direction, en planifiant à l’avance le scénario de notre histoire. L’exercice n’est pas simple : essayer de rédiger un résumé, un synopsis, condenser en une seule phrase l’essence de notre texte, pour mettre en évidence une ligne directrice et s’y ramener lorsqu’on risque de s’égarer.
Cette seconde partie du stage était moins parlante pour moi, puisque je ne demandais qu’à laisser vivre mes personnages et avancer à l’instinct. Impossible de déterminer une fin satisfaisante, difficile de faire un résumé d’une histoire que je ne voulais pas déterminer trop vite. J’ai tout de même pu débloquer quelques points centraux, mais j’ai bien senti que cette méthode allait à l’encontre de ma façon de penser. J’en ai fait part à Pierre, qui m’a rassurée : il me faut considérer ce stage comme une immense boîte à outils, il y a beaucoup d’approches possibles pour attaquer un texte et si j’en ai trouvé une qui me convienne, c’est déjà très bien. Si je me retrouve bloquée dans mon histoire, il sera peut-être intéressant de changer de méthode et d’apporter un point de vue plus analytique pour me décoincer, et il est fort probable que je jongle entre les deux si j’arrive à avancer mon projet correctement.
Au final, ce fut un stage très dense et loin du farniente artistique que je me représentais, mais j’en suis absolument enchantée : j’ai été remuée, j’ai réveillé des sentiments bien enfouis, j’ai appris énormément, j’ai fait de belles rencontres et je rentre avec tout un tas de feuilles de théorie, d’exercices à réutiliser et surtout d’idées et d’énergie pour la suite. Si tu aimes les endroits un peu fous, une légère dose de chaos et que tu recherches une belle énergie créatrice, je t’encourage vivement à te renseigner sur la Distylerie pour l’été prochain !