Portrait dans le Journal de Morges

Un immense merci à Cyntia Rufeli pour son portrait dans le Journal de Morges à l’occasion de la remise de la Bourse à l’écriture 2021 du Canton de Vaud! Vous pouvez retrouver l’article original ici.

Une plume exigeante récompensée

L’écrivain tolochinois Pierre Fankhauser a été récompensé par une bourse cantonale à l’écriture. Rencontre avec un perfectionniste au parcours atypique.

La grande table remplie de paperasse, Pierre Fankhauser s’excuse d’entrée du désordre ambiant. «Voilà ce que c’est que d’être indépendant, je fais mes factures», sourit-il. L’auteur de 46 ans jongle entre ses activités de coach en écriture, d’enseignant à l’Institut littéraire à Bienne, de traducteur et d’écrivain. «Avec toutes ces casquettes, on peut dire que j’arrive à vivre de ma plume», lance-t-il.

Cette envie de se consacrer pleinement à son art, il l’assouvit en quittant la Suisse pour s’installer à Buenos Aires avec sa compagne en 2006. «Nous avons traversé l’Atlantique en cargo pour y aller. C’était important de faire le voyage de cette manière», raconte-t-il. À Buenos Aires, il travaille sur cinq projets différents, rédigeant plusieurs heures par jour. «L’idée principale était de s’offrir du temps. En Suisse, ce temps est cher et il fallait trouver un endroit où je pouvais écrire sans trop me soucier des dépenses», détaille-t-il. S’ensuivent sept années d’allers-retours entre Lausanne et la capitale argentine. «Nous enseignions le français à l’UNIL l’été et le salaire nous suffisait pour vivre tout le reste de l’année en Argentine.»

Et l’auteur d’ajouter que l’attrait artistique de Buenos Aires et l’ambiance si particulière qui y règne en ont fait sa ville de cœur. «Je m’y suis senti comme chez moi. J’étais tellement à l’aise qu’on aurait dit que j’y avais déjà vécu», explique l’écrivain qui est aussi un bouddhiste pratiquant.

Vie de bureau

À voir la sérénité avec laquelle il raconte son parcours, rien ne laisse deviner les questionnements intérieurs qui le tiraillent. «J’ai toujours voulu éviter la vie de bureau et je remarque que j’en ai créé une nouvelle me donnant une discipline. À Buenos Aires, j’écrivais au minimum deux heures le matin et deux heures le soir. C’est comme si j’avais des comptes à rendre. Je souhaitais remplir ce temps et arriver à un résultat», avoue le Tolochinois. La bourse offerte par le canton lui permettra alors «d’alléger» un peu le rythme exigeant qu’il s’impose.

Car Pierre Fankhauser ne rédige pas que pour lui, mais il conseille aussi le grand public au travers d’ateliers de groupe et de mentorats. «J’aime m’occuper des textes des autres, car cela me permet de m’améliorer. Le rapport émotionnel qu’on a sur notre propre travail nous empêche parfois d’avancer», explique-t-il.

L’ancien journaliste culturel à l’Hebdo a trouvé une certaine harmonie entre son métier d’écrivain et ses activités
d’enseignant, comme si la transmission de savoir facilitait son propre apprentissage. «J’ai essayé de combiner le journaliste et l’écriture, mais à trop vouloir bien faire et chercher la perfection dans mes articles, je m’épuisais. J’ai trouvé dans l’enseignement une forme d’équilibre qui me convient.»

Héritage

La Bourse à l’écriture de l’État de Vaud , doté de 15000 francs, récompense le projet de roman appelé Voleurs de diamants, auquel se consacre l’auteur tolochinois. Il a repris pour cela l’unique roman écrit par son père à 17 ans narrant l’histoire rocambolesque de voleurs qui rêvent de fuir en Argentine. Une coïncidence qui fait sourire l’auteur.

Mais ce projet ne sera pas une simple transposition de l’œuvre initiale, il s’agira d’une histoire à part entière. «J’ai trois matériaux de base pour l’écriture. Je m’appuie sur la traduction du roman original, des dialogues imaginaires avec mon père et des enregistrements d’entretiens que j’ai effectués avec lui», détaille-t-il.

Car la relation avec son père a été des plus singulière. Ancien journaliste à la NZZ, marié et installé à Zürich, il trouvait régulièrement des sujets à couvrir à Lausanne et rendait visite par la même occasion à sa seconde famille, celle de l’auteur.

De cette double vie, il ne lui en tiendra pas rigueur. «Il était souvent en déplacements professionnels, venait nous voir en secret et il ramenait toujours des articles de presse à la maison, il m’a probablement donné le goût de l’écriture. En restant dans l’univers des mots, je m’approche en quelque sorte de lui.»

| Sa biographie

Né à Lausanne en 1975 et diplômé en Lettres et sciences sociales, Pierre Fankhauser travaille en tant que journaliste culturel au magazine l’Hebdo et enseigne le français comme langue étrangère à l’Université de Lausanne. En 2006, il décide de partir à Buenos Aires avec sa compagne pour se consacrer à l’écriture. Moment charnière de sa vie d’auteur. Il y restera sept ans et, en plus de ses projets personnels, traduira deux romans de l’auteur argentin Ariel Bermani et un recueil du poète chilien Pablo Jofré. En 2014, soit une année après son retour en Suisse, il publie son premier roman intitulé «Sirius». Responsable communication pour Le Livre sur les quais durant deux éditions, il développe aujourd’hui ses activités de conseiller en écriture et enseigne à l’Institut littéraire suisse. Son second roman nommé «Bergstamm» a été publié en 2019.