Veneno sur le blog de Francis Richard!

Un grand merci à Francis Richard pour le compte rendu de Veneno sur son blog!

Veneno, d’Ariel Bermani

– Toi, t’es pas Quique: c’est pas un nom qui te va.

– Je suis qui alors?

Quique était vexé.

– Toi, t’es pas Quique, a répété Leo: toi, t’es Veneno.

En espagnol, veneno signifie veninpoison. Autrement dit, Enrique Domingo, le protagoniste du livre d’Ariel Bermani, n’est pas affublé d’un surnom des plus aimable… C’est un camarade de l’Action catholique argentine (où il ne sera resté que quelques mois), Leo Iglesias, qui, charitablement, le lui a donné, en 1978, quand ils se sont rencontrés.

L’auteur raconte donc l’histoire de Veneno, alias Quique, alias Frangin, sur fond d’histoire tourmentée de l’Argentine, en faisant le récit de quatre journées de sa vie d’homme né en 1963: le 25 janvier 1978, le 3 mars 1988, le 10 septembre 1998 et le 18 novembre 2003. Un récit qui ne se déroule toutefois pas vraiment dans l’ordre chronologique: ce serait trop simple…

Veneno n’est pas un intellectuel, mais il n’est pas un âne. Il n’est pas mignon, mais il n’est pas moche. Il n’est pas gentil, mais il n’est pas assez méchant pour tuer ou voler. En dépit de son oeil de travers, de sa maigreur et de sa petite taille,  autant dire qu’il est court-sur-pattes, il est en mesure de plaire aux femmes et de satisfaire toujours, ou presque, un appétit sexuel… démesuré.

Aussi, lors de chacune de ces journées de la vie de Veneno, des femmes du petit peuple argentin occupent-elles la scène: Cecilia, alias Petit Vagin d’or, qu’il a connue à l’église de Burzaco; Patricia, qu’il a rencontrée à l’atelier d’écriture de Beba et qu’il a épousée; Stella, qu’il a croisée au coin d’Alsina et de Goyena; Susana, la cousine de Patricia, qui est tombée raide amoureuse de lui le jour de leur mariage.

Veneno n’a jamais une thune, mais on lui fait crédit; il picole, il s’endort, mais il séduit – il donne d’ailleurs des conseils à ses potes pour emballer; il se marie et fait des enfants, ici ou là: quand on baise, on ne compte pas; il est ingérable: il a été montonero, radical, communiste, mais il fait surtout l’éloge du Che et lit tellement Neruda qu’il se met à écrire des poèmes…

Ce macho, incapable de décrocher un boulot, qui se laisse taper dessus dans les bagarres, est attachant malgré le poison qu’il représente pour les autres (ils n’arrivent pas vraiment à lui en vouloir de foutre en l’air tout ce qu’il touche). Sans doute parce que cet homme couvert de femmes est en fait misérable et destiné à se retrouver tout seul…

Francis Richard

Veneno, Ariel Bermani, 180 pages, BSN Press (traduit de l’espagnol par Pierre Fankhauser)