La rencontre avec Pierre Fankhauser de Tulalu sur le blog de Francis Richard
Merci à Francis Richard pour ce très beau compte-rendu de la soirée Tulalu posté sur son blog!
Il y a tout juste un an, Pierre Fankhauser devenait l’animateur des soirées de Tulalu!? . Au fil des entretiens, il devenait de plus en plus à l’aise dans ce rôle et faisait même montre de malice en posant des questions auxquelles il savait que les invités ne répondraient pas forcément mais qui les feraient parler et se livrer…
Ce soir il se trouvait dans le rôle inédit pour lui de l’inviteur invité, dans une version littéraire de l’arroseur arrosé, puisqu’il répondait aux questions pertinentes de Jacques Poget(qui avait sous la main nombre de citations éclairantes) au lieu d’avoir à les poser à un autre écrivain. Force est de constater qu’il semblait encore plus à l’aise dans ce nouveau rôle que dans le premier et qu’il avait visiblement encore moins d’appréhension préalable…
Son livre, Sirius, fruit d’une maturation de douze ans, est un curieux livre pour un premier roman, remarque d’emblée Jacques Poget. En effet il ne raconte pas d’histoire et s’apparente pour ses descriptions minutieuses au Nouveau Roman.
Pierre Fankhauser explique qu’adolescent, il aimait les livres-jeux, ces livres interactifs, où l’histoire se déroule en fonction du choix des chapitres que font leurs lecteurs, et qui sont également appelés livres dont vous êtes le héros.
Inspiré par ces lectures adolescentes, Pierre Fankhauser, dans Sirius, donne aux lecteurs les éléments d’un puzzle. Ces éléments sont les chapitres du livre, juxtaposés les uns à la suite des autres sans liens apparents entre eux. Les lecteurs se doivent de les emboîter eux-mêmes les uns aux autres. De ces emboîtements, s’ils parviennent à les faire fonctionner, naissent alors des émotions qui leur sont propres.
Tous les lecteurs n’ont évidemment pas cette patience de reconstituer les morceaux personnels du puzzle, confie Pierre Fankhauser, qui s’est mis à l’écoute de ceux qui ont entrepris de le lire. Il constate qu’il y a une ligne de partage entre ceux qui se sont prêtés au jeu et ceux qui ont été rebutés par celui-ci et, du coup, ont renoncé à poursuivre leur lecture au bout d’un petit nombre de pages seulement.
Pierre Fankhauser voulait initialement intituler son livre Le retrait. C’était le retrait du narrateur, qui prend ses distances avec ce qu’il raconte et ne laisse percer aucune émotion et, au contraire, laisse le lecteur libre de les faire surgir en lui. Le narrateur laisse tout de même l’émotion le gagner un peu sur la fin en écrivant un texte d’une grande poésie qui se termine ainsi:
Les branches se taisent, les aiguilles se taisent, la neige ne fait plus de musique, les arbres se penchent sur toi, les arbres ont mis leurs mains ensemble, comme on prie. De la sève sur ton bras et sur ton visage, des aiguilles dans tes poings et dans tes cheveux, une aiguille sur tes lèvres, toute petite, qui a l’air de dormir.
En fait, ce texte poétique a été écrit par l’auteur bien avant que le projet de son livre ne lui apparaisse, mais il y a trouvé très naturellement sa place, comme une sorte de respiration nécessaire, à cette place du roman, précisément, et pas à une autre. Ce texte fait partie de ceux que le comédien Roland Vouilloz a lus de sa voix grave et profonde, accompagné à la trompette, de manière originale et prenante, par Yannick Barman.
A propos d’originalité, Pierre Fankhauser ne cache pas qu’il est allé à la recherche du bouddhisme, qui plus est japonais, en Argentine… Son sensei, Gustavo Aoki, lui a appris plusieurs choses, notamment qu’il n’y a pas de hasard, que rien n’est fortuit. Aussi faut-il être à l’écoute des signes pour comprendre quelles sont les causes et quels sont les effets qui régissent le monde.
Ainsi Pierre Fankhauser n’a pas écrit Sirius sur l’histoire tragique de l’Ordre du Temple solaire, OTS, par hasard. En effet, plusieurs étés, il a passé, dans le Val d’Hérens, des vacances familiales dans le chalet que Michel Tabachnik, le présumé théoricien de l’OTS, a revendu après son divorce, où il a laissé tous ses livres ésotériques et qui était loué aux estivants par la personne qui lui avait acheté…
Son sensei, Gustavo Aoki, dit également que, quand on a un objectif, il faut mettre toute son énergie à l’atteindre et qu’une fois atteint on peut savoir s’il rend vraiment heureux, ou seulement un peu, ou encore pas du tout. Pierre Fankhauser s’était donné pour objectif d’être écrivain et de jouir de la reconnaissance qui va avec. Maintenant qu’il a atteint cet objectif, il se pose les questions que son sensei suggère…
Francis Richard